Procédures collectives : Attention à vos déclarations de créances.

 

Procédures collectives : Attention à vos déclarations de créances. Par JB Rozès.

En cette période de crise, l’obtention de marchés n’est qu’une première étape et le succès du contrat n’intervient assurément qu’une fois effectué le paiement intégral de la créance.

Les défaillances d’entreprises sont, en effet, nombreuses. Tout entrepreneur doit vérifier avant de signer un contrat si le futur cocontractant n’est pas en redressement judiciaire et, surtout, veiller jusqu’au parfait paiement de la créance que la société débitrice ne soit pas placée en redressement ou liquidation judiciaire.

Attention, les règles régissant la déclaration de créance en matière de procédures collectives laissent apparaitre nombre de pièges comme en témoigne le nombre important de contentieux engagés par des créanciers surpris de voir leurs créances purement et simplement rejetées par les juges pour non-respect de formalisme.

 

1 Délai minimum de déclaration de créance : Deux mois à compter de la publication du Jugement d’ouverture au BODDAC 

1.1 Sur le délai 

L’article L. 622-24 du Code de commerce dispose : «  A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d’Etat. (…).  »

L’article R.622-24 du Code de commerce prévoit quant à lui que : "Le délai de déclaration (…) est de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.(BODACC). 

Lorsque la procédure est ouverte par une juridiction qui a son siège sur le territoire de la France métropolitaine, le délai est augmenté de deux mois pour les créanciers qui ne demeurent pas sur ce territoire. 

Lorsque la procédure est ouverte par une juridiction qui a son siège dans un département ou une collectivité d’outre-mer, le délai est augmenté de deux mois pour les créanciers qui ne demeurent pas dans ce département ou cette collectivité.
 " 

Attention : La conversion du redressement en liquidation judiciaire demeure sans effet sur le point de départ du délai de déclaration de la créance ; la déclaration ne peut donc pas être tenue comme ayant été faite dans le délai au motif qu’elle a eu lieu moins de deux mois après le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire (Cass. com., 15 fév. 2011, n° 09-14.318). 

Dans le délai de quinze jours à compter du jugement d’ouverture, le représentant des créanciers avertit les créanciers connus d’avoir à lui adresser leurs créances dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC. Ce dernier délai est allongé de deux mois pour les créanciers domiciliés hors de la France métropolitaine, et d’un mois à l’issue de la résiliation des contrats en cours pour les éventuelles créances. 

Toutefois, il est vivement conseillé à tout créancier de consulter régulièrement sur le site du BODACC (www.bodacc.fr) qu’un jugement de procédure collective concernant son débiteur n’est pas intervenu. Le représentant des créanciers n’avertit à l’évidence pas forcément tous les créanciers car il ne les connait pas forcément tous. 

1.2 Sur les créances concernées 

Toutes les créances existant avant le jugement d’ouverture de la procédure, à l’exception des créances salariales, sont soumises à cette déclaration. Il s’agit tant des sommes échues que des sommes à échoir, à savoir celles que le débiteur devra payer plus tard, à une date fixée par contrat. 

La déclaration doit être effectuée même si la créance n’est pas encore établie par un titre ou si son montant n’est pas encore définitivement fixé. 

Ainsi, l’obligation de déclarer sa créance est générale, même si la créance fait l’objet d’un litige non encore tranché, si elle est conditionnelle, éventuelle, certaine ou contestée, liquide ou non, exigible ou à terme. 

Il peut donc s’agir : 

- d’une créance certaine (facture émise ou à émettre), 
- d’une dette future qui résultera de l’application d’un contrat passé, 
- d’une indemnisation potentielle sur un procès en cours, 
- d’une créance correspondant à du matériel livré avec clause de réserve de propriété. 

Dans certaines de ces hypothèses, la déclaration s’effectue sur la base d’une évaluation. 

Les créances postérieures au jugement d’ouverture sont également soumises à déclaration, sauf les créances alimentaires, celles portant sur la fourniture d’une prestation au cours de la période d’observation (sauvegarde, redressement judiciaire), et celles causées par le déroulement de la procédure. 

1.3 Sur le relevé de forclusion 

Le créancier défaillant a la possibilité de demander à être relevé de sa forclusion. Il peut demander au tribunal d’être relevé de la forclusion s’il justifie que le retard n’est pas de son fait, notamment pour des raisons médicales, ou est imputable au débiteur. Il doit alors adresser une requête au juge-commissaire. 

La requête sera acceptée par le juge si : 

- elle intervient dans les six mois de la publication du jugement d’ouverture au BODACC, ce délai étant porté à un an pour les créanciers titulaires de sûretés publiées, ou placés dans l’impossibilité de connaître l’existence de leur créance avant l’expiration du délai de six mois imparti ; 

- le créancier parvient à apporter la preuve que la non-déclaration dans les délais légaux n’est pas de son fait ou est due à une omission volontaire du débiteur lors de la remise de la liste des créanciers. En cas de rejet de la requête, le créancier peut faire appel dans un délai de dix jours. 

1.4 Sur l’effet de la non-déclaration de créance dans le délai imparti 

Si le créancier ne parvient pas à se faire relever de sa forclusion, sa créance ne peut pas être prise en considération au passif de la procédure. Le défaut de déclaration d’une créance est sanctionné par l’inopposabilité de la créance à la procédure collective. 

Il ne pourra donc pas participer aux distributions de fonds qui pourraient intervenir. 

Toutefois, sa créance n’est pas entièrement éteinte, de sorte qu’il pourra, par exemple, poursuivre la caution ou déclarer à nouveau cette même créance dans une nouvelle procédure collective. 

2 Sur le formalisme de la déclaration de créance 

Attention : lorsque « la créance n’a pas fait l’objet d’une déclaration régulière, le représentant des créanciers n’a pas l’obligation d’aviser le créancier de cette irrégularité » (Cass. com., 6 févr. 2001, n°98-11112). 

2.1 Sur l’identité de l’institution à laquelle déclarer sa créance 

Chaque créancier doit communiquer la liste de ses créances soit au « représentant des créanciers » (entreprise sous sauvegarde ou en redressement judiciaire), soit au « liquidateur » (entreprise en liquidation judiciaire). 

Le nom et l’adresse du mandataire figurent dans le courrier du mandataire judiciaire ou du liquidateur, dans l’avis publié au BODACC et dans un journal d’annonces légales, et au greffe du tribunal du siège social ou du domicile du débiteur. 

2.2 Contenu de la déclaration de créance 

L’article L. 622-25 du Code de commerce dispose « La déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. 

Elle précise la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie. (…). 

Sauf si elle résulte d’un titre exécutoire, la créance déclarée est certifiée sincère par le créancier. (…). 
 » 

A cette déclaration sont joints, sous bordereau, les documents justificatifs. Il est obligatoire de chiffrer sa créance précisément. Une déclaration ne portant aucun montant, un montant indicatif ou un montant ne concordant pas avec les justificatifs fournis sera rejetée. 

Les intérêts légaux ou conventionnels, les intérêts de retard et les majorations doivent, en règle générale, être inclus.Sur les personnes habilitées à adresser la déclaration de créance. 

Sont habilitées à adresser leur déclaration de créance :

-  le créancier lui-même ; 
-  un préposé appartenant à l’entreprise ou à l’association créancière (en vertu d’une délégation de pouvoir interne qui devra être jointe) ; 
-  un avocat ou un huissier de justice ; 
-  tout mandataire de son choix (en vertu d’un mandat établi à cet effet, qui devra être joint). 

2.3 Sur la forme de la déclaration de créance 

Il appartient au créancier d’établir, par tous moyens, notamment dans le cas d’un envoi postal par la production de l’avis de dépôt, que sa déclaration de créance a été effectuée dans le délai prévu (Cass. com., 1-2-2005, n° 03-13047). 

Le créancier doit faire connaître sa volonté claire et expresse de réclamer le paiement de sa créance. 

Il n’existe pas de condition de forme, mais le plus souvent la demande est formalisée par une lettre recommandée pour avoir une date certaine. 

3 Sur le devenir des déclarations de créances 

3.1 Sur la procédure
 

Le représentant des créanciers ou le liquidateur qui reçoit les déclarations de créances établit, en accord avec le débiteur, une liste des créances déclarées avec ses propositions d’admission, de rejet ou de renvoi. 

Cette liste est transmise au juge commissaire qui tranche les contestations éventuelles. 

En l’absence de contestation du débiteur ou du représentant du créancier, la déclaration est portée sur l’état des créances qui est signé du juge commissaire, sans qu’il soit besoin d’entendre les parties. 

En application de l’article L. 622-27 du Code de commerce, « s’il y a discussion sur tout ou partie d’une créance autre que celles mentionnées à l’article L. 625-1, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l’invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de proposition du mandataire judiciaire. »

Si le créancier répond dans le délai de 30 jours imparti, les parties sont convoquées à l’audience du juge commissaire qui statuera sur le sort de la créance. 

Le juge commissaire ne peut rejeter tout ou partie d’une créance sans entendre le débiteur. Une fois la contestation tranchée, la décision est portée sur l’état des créances. 

Le juge-commissaire a seul compétence pour statuer sur la déclaration ainsi que sur l’existence de la créance. 

Les décisions d’admission ou de rejet des créances prises par le juge-commissaire sont portées sur un état des créances ; cet état est déposé au greffe du Tribunal où toute personne intéressée peut en prendre connaissance. 

Une insertion est publiée au BODAAC par le greffier indiquant que l’état des créances est constitué et déposé au greffe. 

3.2 Sur les possibilités de recours  : 

Les parties et les organes de la procédure peuvent contester les décisions du juge commissaire devant la Cour d’Appel. 

Les tiers (les cautions, les autres créanciers, …) peuvent former une réclamation auprès du juge commissaire dans le mois suivant la publicité au BODACC du dépôt au greffe de l’état des créances. 

En conclusion, une déclaration de créances doit éviter nombre de pièges et il est dès lors prudent de se faire assister par un Conseil.

ARTICLE A UTILISATION TECHNIQUE ESSAI - FICTIF



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